Les villes deviennent un refuge pour les pollinisateurs, les jardins privés et public offrant une variété de plantes précieuses.
Les abeilles vivent-elles mieux en ville qu’en milieu rural? La question peut sembler farfelue, mais selon une étude publiée ce lundi dans la revue Nature Ecology and Evolution , les villes sont de véritables refuges pour les pollinisateurs. Les travaux menés par des scientifiques britanniques ont évalué l’impact de l’utilisation des sols en milieu urbain et montrent que la diversité des jardins et des plantes disponibles favorise les abeilles et autres insectes pollinisateurs.
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«En milieu rural, les abeilles sont fragilisées par l’appauvrissement de la flore liée à l’agriculture et à l’usage des pesticides», commente Isabelle Dajoz, professeur d’écologie à l’université Paris-Diderot. «C’est donc en fait assez logique, bien que triste, que les villes deviennent un lieu de refuge.»
L’étude britannique a été menée dans quatre villes du Royaume-Uni, Bristol, Reading, Leeds (Angleterre) et Edinburgh (Écosse), des villes assez éloignées les unes des autres, et qui pourtant présentent toutes des résultats assez similaires. Les chercheurs britanniques ont comptabilisé le nombre de pollinisateurs dans différents types d’espaces verts urbains, jardins publics, cimetières, lotissements… En tout ce sont 360 sites qui ont été passés à la cible.
Toutes ces lieux n’offrent pas les mêmes garanties aux insectes. «Les jardins individuels ou partagés sont les meilleurs habitats urbains pour les insectes pollinisateurs, car ils offrent une grande diversité de fleurs», constate Isabelle Dajoz. «Au-delà du constat qui était déjà connu, l’intérêt de ces travaux est de proposer des solutions pratiques pour aider les pollinisateurs à proliférer en ville.»
Des solutions pour aider les pollinisateurs
L’équipe britannique a en effet travaillé sur un modèle d’aménagement urbain pour favoriser les pollinisateurs, en transformant les espaces verts sans pour autant transformer les villes. Les jardins privés ne représentent que 1% des superficies urbaines. Pourtant, ce sont eux qui favorisent le plus la biodiversité. Le nombre d’abeilles y était 4 à 52 fois plus élevés. Augmenter leur superficie permettrait non seulement d’offrir à plus de monde le droit de cultiver son petit jardin mais favoriserait aussi les insectes.
Les espaces verts des bas-côtés des routes représentent au contraire un tiers des espaces verts des villes étudiées, mais sont moins visités par les pollinisateurs. C’est le même constat pour les jardins publics qui représentent près d’un quart de la superficie de ces espaces verts urbains. Les parcs publics régulièrement taillés ne sont pas les meilleurs abris. En fait, plus un terrain est laissé a lui-même, plus il abrite d’insectes. Les pissenlits, les ronces, et renoncules sont en effet plus appréciés des pollinisateurs que ne peuvent l’être les hortensias, les pâquerettes et les myosotis.
Pour les auteurs, augmenter le nombre de fleurs sauvages dans ces espaces, et tondre moins souvent attireraient plus de pollinisateurs urbains. Il s’agit bien là d’activer un cercle vertueux. Plus on augmente le nombre de plantes, plus on favorise les insectes pollinisateurs. Et plus le nombre de pollinisateurs est élevé, plus la flore devient riche. «Ce sont des premiers éléments à mettre en place», analyse Axel Decourtye, directeur scientifique de l’Institut de l’abeille (Avignon). «Mais qui seront très loin de compenser la chute drastique des populations. Les abeilles et les pollinisateurs ne font que s’adapter à une situation qui leur est imposée par l’homme. Les villes ne sont qu’un pis-aller. Le lieu de vie idéal pour les abeilles reste les zones naturelles. Il faut en premier lieu agir en zone agricole.»
Car les villes sont des espaces fermés. La concurrence y est rude et on est en capacité de se demander le nombre maximum de pollinisateurs qu’elles peuvent accueillir. À Paris, ce plafond est d’ores et déjà atteint. D’autre part les pollinisateurs sauvages, plus fragiles que les abeilles domestiques, sont mis en danger par cette concurrence avec les abeilles domestiques. La biodiversité de pollinisateurs est pourtant indispensable. C’est elle qui garantit la diversité de la flore, permet de polliniser nos récoltes et assure le maintien de l’agriculture.