Situé à Nogent-le-Phaye (Eure-et-Loir), près de Chartres, le zoo refuge de La Tanière, qui ouvrira ses portes au public en 2020, accueille déjà de nombreuses espèces, dont neuf singes de laboratoires de recherche médicale. Un concept inédit en France.
Ils s’appellent Arthur, Wallace, Rocco ou Dexter. Neuf singes de laboratoires de recherche médicale goûtent pour la première fois de leur existence à une vie paisible au futur zoo refuge La Tanière, près de Chartres. Voués comme 2000 à 3000 primates, selon le Gircor, (Groupe interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche) à l’euthanasie, ces animaux sauvages, des macaques fascicularis, cynomolgus et rhesus, sont arrivés la semaine dernière de Belgique et de France, à Nogent-le-Phaye (Eure-et-Loir). Deux autres doivent encore arriver la semaine prochaine. Jusqu’à aujourd’hui, il n’existait pas de structure en France en mesure d’accueillir ces animaux.
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Ils sont désormais calfeutrés pendant un mois en zone de quarantaine comme le stipule la législation, dans un bâtiment unique en Europe adapté aux primates. Ensuite, ils rejoindront de grandes volières à l’air libre où ils tenteront d’apprendre à vivre presque normalement leur vie d’animal en captivité. Pour le maître des lieux, Patrick Violas, l’objectif «n’est pas de les garder, mais de les sauver». À La Tanière, Patrick Violas et son épouse, Francine, ont vu les choses en grand. Alors que le zoo refuge doit ouvrir ses portes en 2020, ils ont d’ores et déjà aménagé un grand bâtiment de 800 m² avec, au total, neuf loges pour accueillir les animaux en quarantaine. Chaque loge mesure entre 9 et 20 m². «C’est la première fois que les singes ont autant d’espace parce qu’ils vivaient dans des cages. Quand on les a recueillis, ils ne comprenaient pas ce qui leur arrivait», explique le propriétaire. «Aujourd’hui, on leur a même installé la télévision. On avait remarqué qu’ils étaient fascinés par les écrans de téléphone», poursuit-il avec amusement. Outre cet équipement, les primates peuvent se balancer sur les agrès mis à sa disposition, ou se délasser tranquillement en regardant par la fenêtre, ce qui permet à certains de voir la nature pour la première fois de leur vie. À l’issue de leur quarantaine, prévue le 8 avril, les macaques seront introduits dans une volière avec des abris intérieurs et extérieurs.
«Lorsque ces singes auront été bien suivis par nos équipes et que l’on aura reconstitué une ou plusieurs communautés, nous nous efforcerons de les replacer dans des zoos plus classiques, dans des endroits où ils seront bien traités», indique Patrick Violas. L’arrivée de ces primates est l’issue d’un «long combat que nous avons gagné», se réjouit pour sa part Marie-Françoise Lheureux, présidente et fondatrice du Graal (Groupement de réflexion et d’action pour l’animal), association grâce à laquelle les animaux sont arrivés au refuge. «Ces primates, sur lesquels des expériences scientifiques ont été réalisées durant dix à vingt ans dans le domaine des neurosciences et de l’optique, attendaient depuis deux ans de rejoindre La Tanière», explique-t-elle. À cet égard, l’exemple de Cannelle, la seule macaque femelle du groupe, est édifiant. Âgée de 21 ans, elle vient de Chine et a passé 19 ans en laboratoire où elle a servi dans des recherches sur la rétine humaine.
Une deuxième vie
Malgré les histoires tragiques de ses pensionnaires, Patrick Violas s’efforce de ne jamais être dans le jugement. «Notre combat est le bien-être des animaux. D’autres organisations font très bien le travail de sensibilisation», affirme-t-il. Titulaire d’un bac agricole, cet homme de 58 ans a commencé sa carrière professionnelle comme garçon vacher dans une ferme laitière. Mais très vite, il rejoint un groupe automobile et grimpe les échelons pour devenir directeur commercial. Dans les années 1980/1990, il crée, avec son épouse, une boutique de téléphonie mobile en Eure-et-Loir, «5/5», puis deux, puis trois, jusqu’à 270 dans toute la France, avec 1800 salariés sous ses ordres. Un empire qu’il a vendu en 2009 et qui lui a permis de faire fortune.
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En 2011, il tourne la page des affaires pour revenir à ses premières amours, les animaux, en rachetant un corps de ferme à l’abandon aux portes de Chartres. Il y crée «La Ferme pédagogique de la Renaissance» qui accueille près de 400 animaux, principalement de basse-cour, délaissés ou maltraités. La ferme est ouverte au public. Au détour d’une rencontre avec des gens du cirque qu’il a depuis fait venir avec lui, Patrick Violas décide de donner une nouvelle dimension à sa ferme en accueillant des animaux sauvages. Il s’entoure de professionnels reconnus comme Florence Ollivet-Courtois, vétérinaire spécialiste des animaux sauvages. «Sans doute la meilleure en Europe dans son domaine», s’enorgueillit-il. Il investit massivement dans de nouveaux bâtiments et des équipements neufs, ainsi que dans une clinique vétérinaire de pointe. La nouvelle structure adossée à la ferme pédagogique accueille désormais des animaux de cirque à la retraite, d’autres saisis chez des particuliers qui n’avaient pas d’autorisation, ou provenant d’élevages clandestins…
«Mon rêve, ce serait de fermer tout de suite, parce que cela voudrait dire qu’il n’y a plus d’animaux à sauver»
Aujourd’hui on y trouve des ours, des otaries, des wallabies et autres animaux exotiques ou sauvages… Plus d’un millier d’animaux, de l’écureuil à l’éléphant, devraient trouver leur place dans ce zoo refuge baptisé La Tanière qui ouvrira au public en 2020, ce qui permettra d’aider à financer son fonctionnement. Patrick Violas se définit comme «un amoureux» des animaux. «Ils sont plus nombreux que nous et souvent en situation de détresse à cause de nous. Et si demain il n’y a plus d’animaux sur Terre, nous ne serons plus là non plus car nous faisons partie de la chaîne alimentaire. Les animaux valent autant que les humains».
Son rêve? «Qu’on ne soit pas obligé d’aller dans des parcs, d’ici quelques années, pour voir des animaux qui auront disparu à l’état sauvage». Et, Patrick Violas l’avoue, il préférerait «fermer tout de suite La Tanière parce que cela voudrait dire qu’il n’y a plus d’animaux à sauver». En attendant, son combat continue, et les appels lui demandant d’accueillir de nouveaux spécimens ne cessent d’augmenter.