Le gouvernement met en place une zone tampon à la frontière belge, pour éviter la propagation du virus.
Les sangliers belges porteurs de la peste porcine africaine vont-ils réussir à franchir la frontière et propager l’épidémie en France? C’est pour éviter ce scénario potentiellement catastrophique pour les élevages porcins français que le ministère de l’Agriculture met en place une «zone blanche» vide de sangliers près de la frontière franco-belge. À moins qu’il ne soit déjà trop tard. Le 9 janvier, deux sangliers porteurs de la maladie ont été tués par des chasseurs belges. Ils se trouvaient à tout juste 1,6 km de la frontière avec le département de la Meuse!
L’épidémie de peste porcine sévit depuis la mi-septembre dans le sud-est de la Wallonie, dans une zone coincée entre les frontières avec la France et le Luxembourg. «Depuis le 13 septembre 2018, 299 cas de peste porcine africaine ont été détectés chez des sangliers trouvés morts dans la région d’Étalle», résume l’Agence fédérale belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Les autorités de Wallonie prennent la menace très au sérieux et appliquent les règles européennes pour éviter que cette maladie, qui ne peut pas se transmettre à l’homme mais qui est mortelle pour les porcins (cochons et sangliers), ne s’étende. Tous les cochons domestiques, de ferme ou d’élevage, ont été abattus dans le périmètre surveillé, et la chasse et toute activité forestière y sont interdites.
Les chasseurs mobilisés
Mais il paraît bien difficile de contrôler les populations de sangliers, puisque les deux derniers animaux malades retrouvés près de la frontière française se situaient en dehors de la zone déclarée comme infectée par les autorités belges. La «zone blanche» tampon que met en place le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, aura-t-elle plus de succès ?
Une cellule de crise, dirigée par Loïc Gouëllo, inspecteur général de la santé publique vétérinaire, va notamment devoir définir rapidement le périmètre qui sera délimité par une clôture et à l’intérieur duquel tous les sangliers devront être abattus dans les semaines qui viennent. «Didier Guillaume demande à la FNC (Fédération nationale des chasseurs), l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) et l’ONF (Office national des forêts), déjà très mobilisés, une mobilisation maximale pour procéder très rapidement au dépeuplement des sangliers dans cette zone», rapporte le communiqué du ministère de l’Agriculture. Comme en Belgique, toutes les activités forestières et la chasse seront ensuite interdites dans la zone, pour éviter tout risque de propagation accidentelle du virus par l’homme.
La présence de sangliers infectés en France est loin d’être impossible. La RTBF rapporte que les deux bêtes contaminées retrouvées près de la frontière en début d’année faisaient partie d’un groupe de huit cochons sauvages repérés par des chasseurs. «Sur huit sangliers, quatre ont été tués et les quatre autres ont pris la fuite vers la France, rapporte le site RTBF.be. Parmi les sangliers tués, deux ont été contrôlés positifs à la PPA (peste porcine africaine).» La région de Wallonie a aussi pris l’initiative de dresser des clôtures électrifiées pour éviter que la maladie ne se propage vers la France.
Pour les experts, la forme africaine de cette zoonose est bien plus inquiétante que la forme dite «classique»,(voir entretien ci-dessous) qui est moins contagieuse et contre laquelle il existe un vaccin. L’enjeu économique est énorme pour la filière porcine française, déjà fragilisée par l’embargo russe de 2015 et 2016. Si jamais la maladie venait à être découverte dans le pays, les producteurs français ne pourront plus exporter de porcs, ce qui affecterait terriblement les 14 .000 élevages porcins sur le territoire. Endémique en Afrique subsaharienne, la peste porcine africaine a été introduite dans l’Union européenne en 2014 depuis la Russie. Elle touche désormais l’Ukraine, la Pologne, les pays Baltes, la Roumanie, la Hongrie et la Belgique.
«Il faut éliminer les sangliers dans les zones infestées»
Pour Bernard Vallat, directeur général sortant de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’épidémie de peste porcine africaine (PPA) doit être contenue au plus vite pour éviter sa diffusion en France.
LE FIGARO. – D’où vient cette épidémie?
Bernard VALLAT. – La peste porcine africaine est endémique en Afrique et touche tous les animaux du genre suidés, qu’ils soient sauvages, comme les sangliers, ou domestiques, comme les cochons. Mais l’épidémie à laquelle fait face actuellement l’Europe de l’Ouest a démarré en Géorgie entre 2007 et 2008, après la consommation d’aliments contaminés, provenant d’un bateau ayant transité par l’Afrique, par des cochons domestiques. La maladie a ensuite atteint l’est de l’Europe. La France et l’Allemagne, qui possèdent chacun une frontière avec des pays contaminés (Belgique et Pologne) sont désormais en première ligne.
Quel est le mode de transmission du virus?
Hautement pathogène, mais non transmissible à l’homme, le virus de la PPA se transmet par simple contact entre un animal infecté et un animal sain, cochon ou sanglier. Mais aussi indirectement par le biais d’aliments contaminés ou par des objets souillés: bottes, vêtements, véhicules, matériels agricoles, etc. Il est hautement probable que l’ingestion par des sangliers de restes de nourriture provenant d’un pays de l’Est, abandonnés dans la poubelle d’une aire d’autoroute ou jetés sur des bas-côtés, soit à l’origine de l’épidémie qui touche actuellement la Belgique. Pour inactiver le virus dans les aliments, il faut environ 120 jours de salaison ou une cuisson d’au moins trente minutes à plus de 70 °C. Ces normes doivent être respectées à la lettre, ce qui n’est malheureusement pas partout le cas. Pour le moment, il n’existe aucun vaccin, et au moins dix années de recherche seront nécessaires pour y parvenir. Par ailleurs, dans les zones méditerranéennes, le virus est aussi transmis par une espèce de tique, ce qui complique encore la donne.
L’élimination des populations de sangliers sur la zone frontalière avec la Belgique est-elle la seule solution?
Il n’y a pas d’autre choix que de faire un vide sanitaire et d’éliminer massivement les sangliers qui se trouvent dans les zones infestées pour éviter qu’ils entrent en contact avec des porcs domestiques. C’est ce qui s’est passé en 2018 en République tchèque et en Roumanie, ainsi que dans les années 1990 en Espagne et au Portugal. La lutte contre l’infection repose sur des mesures drastiques de désinfection, de mise en place de périmètre de sécurité et une maîtrise absolue des mouvements des animaux domestiques et sauvages. Si la PPA touche la France, les conséquences pour la filière porcine et l’économie de la chasse pourraient être catastrophiques.