Des archéologues pensent avoir découvert ce qui a motivé les hommes à domestiquer le chien il y a plus de 15.000 ans.
Couché au coin du feu dans une maison de montagne ou dans une forêt préhistorique, cela fait plus de 15.000 ans que le chien accompagne l’homme. Si la chronologie de la longue histoire d’amour qui lie notre espèce aux canidés est assez bien connue, les raisons qui ont poussé les chiens vers l’homme (ou bien l’inverse) restent floues. Deux archéologues néerlandais, accompagnés d’une archéologue britannique, apportent aujourd’hui un nouvel éclairage (Journal of Anthropological Archaeology 15 janvier 2019). L’analyse d’ossements d’animaux mordus et mâchouillés par des chiens il y a 11.500 ans suggère que ces derniers ont été dressés pour accompagner l’homme à la chasse.
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«Il s’agit ici d’une hypothèse», analyse Rose-Marie Arbogast, directrice de recherches CNRS. «Les auteurs précisent d’ailleurs dans leur publication qu’ils ne peuvent pas la démontrer totalement. Mais ils apportent des éléments vraiment convaincants pour aller dans ce sens.» En l’occurrence, des ossements découverts dans le nord-est de la Jordanie, sur le site de Shubayqa, qui présentent des signes évidents de passage dans le tube digestif de chiens. Or le site archéologique était habité toute l’année pour des groupes d’humains. «Les chiens n’étaient pas tenus en marge de la colonie», explique Lisa Yeomans premier auteure de la publication. «Ils devaient être étroitement intégrés à tous les aspects de la vie quotidienne et autorisés à errer librement autour du groupe, se nourrissant d’os mis au rebut et déféquant sur le site.»
Le chien domestiqué par des populations de chasseurs-cueilleurs.
Mais les archéologues ont surtout constaté une nette augmentation du nombre d’ossements de lièvres après l’arrivée des chiens. Les chiens devaient permettre de chasser plus facilement ces proies petites et rapides. Les hommes utilisaient auparavant des pièges qui présentaient deux désavantages majeurs: il est impossible de choisir sa cible et la proie peut être dévorée par des prédateurs avant d’être récupérée.
«Les éléments apportés par les auteurs sont tous assez crédibles», juge Rose-Marie Arbogast. «La domestication s’est sans doute faite par étapes. Hommes et chiens ont dû y trouver un intérêt. Sans doute de premiers chiens sauvages se sont rapprochés des hommes pour se nourrir et petit à petit ont été totalement apprivoisés. Toute la subtilité est de savoir à quel degré de domestication on se trouve sur ce site.»
Le chien est le premier animal à avoir été domestiqué par l’homme par des populations de chasseurs-cueilleurs. Et ce bien avant la révolution néolithique et l’arrivée de l’agriculture et de l’élevage. «On retrouve des restes humains accompagnés de restes de chiens jusqu’il y a 28 000 ans», raconte Rose-Marie Arbogast. «Mais ces résultats restent très contestés. Le consensus tourne autour de 15 000 ans.»
Comment cette domestication s’est-elle précisément opérée? Le chien est-il passé du statut de proie à celui de compagnon de chasse? «On voit encore aujourd’hui dans certaines sociétés les chasseurs ramener avec eux les petits des animaux qu’ils viennent de tuer», continue la chercheuse française. «Peut-être est-ce ce qui s’est passé avec les premiers chiens!» Une chose est certaine, le lien entre le chien et l’homme est réellement unique. Il y a eu une sélection naturelle entre les animaux qui ont su tirer profit de ce rapprochement. Plus ils vivaient près de l’homme, plus les canidés se sont habitués à cette nouvelle chienne de vie.