FOCUS – Ces mesures de protection, instaurées fin juin à titre expérimental, doivent permettre d’éloigner durablement le plantigrade des troupeaux auxquels il s’attaque. Des méthodes jugées «dangereuses» par les associations.
Après la chute mortelle de 61 brebis sur l’estive du Mont Rouch dans le Couserans, en Ariège, la préfecture a autorisé jeudi soir la mise en place d’une mesure «d’effarouchement» à l’encontre des ours brun des Pyrénées. Dans les tiroirs du ministère de l’Agriculture depuis plus d’un an, ces méthodes, largement dénoncées par les ONG pro-ours, ont été instaurées fin juin à titre expérimental, via un arrêté publié au Journal officiel . L’objectif: «protéger les troupeaux domestiques» de ces prédateurs parfois jugés trop voraces dans la zone. En quoi consistent-elles? Pourquoi sont-elles contestées? Éléments de réponse.
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C’est inscrit dans le Code de l’environnement: il est interdit de perturber intentionnellement les ursus arctos, plus communément appelés les ours brun. Les préfets peuvent toutefois prendre des mesures de conditionnement aversif à leur encontre lorsqu’ils ne fuient plus lors de rencontres avec l’homme, attaquent de manière répétée un troupeau le jour malgré la présence du berger, ou s’alimentent de manière régulière de nourriture d’origine humaine. Ainsi, le 17 juin 2019, le préfet des Hautes-Pyrénées, Brice Blondel, a ordonné le conditionnement aversif de l’ours Goiat après la mort de 260 brebis. Pendant trois nuits, des tirs ont été effectués et ont permis d’éloigner la bête, jugée trop proche des habitations humaines.
Éloignement graduel
La seconde méthode, dite «renforcée», permet le recours à des tirs non mortels de «toute arme à feu chargée de cartouches en caoutchouc» ou à double détonation
Les mesures d’effarouchement, mises en place fin juin, ont donné un cadre plus précis – et graduel – à l’éloignement de ces mammifères. Elles peuvent être effectuées par tout éleveur, groupement pastoral ou gestionnaire d’estive (période ou zone de pâturages, NDLR) ayant obtenu au préalable une autorisation préfectorale. La première, dite «simple», emploie des moyens d’effarouchement sonores comme les cloches, les sifflets, les cornes de brume ou les pétards. Ou bien olfactifs et lumineux par le biais de torches, phares, et signaux lumineux de toute nature. Elle doit être justifiée par la survenance d’au moins une attaque sur l’estive au cours de l’année précédant la demande ou d’au moins quatre attaques cumulées au cours des deux années avant la demande, selon l’arrêt.
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La seconde méthode, dite «renforcée», permet le recours à des tirs non mortels de «toute arme à feu chargée de cartouches en caoutchouc» ou à double détonation. Elle peut être demandée dès la deuxième attaque intervenue en moins d’un mois malgré la mise en œuvre de moyens d’effarouchement simple pendant cette période. Dans le cas d’estive ayant subi au moins quatre attaques cumulées sur les deux années précédentes, elle peut être enclenchée dès la première attaque attribuable à un ours survenue malgré le déploiement de stratégies d’effarouchements simples. Seuls les bergers ou éleveurs titulaires du permis de chasse, les chasseurs, les agents de l’ONCFS formés ou les lieutenants de louveterie peuvent les réaliser.
La vie des ours et des hommes en danger?
Une cinquantaine d’ours peuplent les montagnes pyrénéennes. Ce total, inédit depuis les années 1950, a pu être atteint grâce à leur réintroduction progressive imposée par une directive de l’Union Européenne pour la protection des espèces en voie de disparition. Mais les nombreuses attaques survenues ces derniers mois ont ravivé les tensions entre les partisans d’un retrait graduel d’ours dans la zone et ceux plaidant pour un renforcement de la protection des troupeaux.
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«Ne mettez pas en danger la vie des hommes et des ours»
Quant aux mesures d’effarouchement, elles risquent de mettre «en danger la vie des hommes et des ours», a estimé mi-juillet un collectif d’associations dont Ferus, France nature environnement et WWF. «Bien que l’ours ne soit pas un animal agressif, le tir d’une balle en caoutchouc à vingt mètres est objectivement une agression qui pourrait déclencher une réaction de défense de l’animal, mettant potentiellement en danger la vie d’un “effaroucheur”», s’inquiètent les associations.
Les ONG craignent aussi l’utilisation d’armes autres que «non létales». En juin 2018, trois responsables d’une association anti-ours avaient été placés en garde à vue après la diffusion d’une vidéo où l’on y voit un groupe de vingt-cinq personnes aux visages masqués par des cagoules noires et fusil de chasse à la main, annoncer entrer en «résistance active contre les agents de l’État». Selon le collectif, un gardiennage des troupeaux et la présence de chiens de protection permettent de «limiter les pertes par prédation».