REPORTAGE – Plusieurs centaines de militants climat se sont déployés ce vendredi matin à La Défense, près de Paris, dans plusieurs lieux symboliques, dont les sièges de Total, EDF et la Société Générale pour dénoncer l’«alliance toxique» entre États et multinationales.
Jusqu’au dernier moment, le lieu et la teneur de l’opération étaient tenus secrets. Un peu plus de 2000 militants écologistes – selon les organisateurs – ont répondu à l’appel lancé il y a quelques semaines par Greenpeace, les Amis de la Terre et ANV-COP21. Tôt ce vendredi matin, ils ont tous reçu un SMS dans lequel il était indiqué le lieu de cette action pacifique: La Défense. Les militants sont chargés de bloquer des bâtiments symboliques de l’«alliance toxique» entre États et multinationales qu’ils accusent d’être «responsables» du réchauffement climatique. Rapidement, quatre sites sont visés: Total, EDF, la Société Générale et une antenne du ministère de la Transition écologique et solidaire, lui aussi situé à La Défense, près de Paris. Vers 14 heures, les militants qui bloquaient l’entrée de la tour EDF ont été délogés par les forces de l’ordre, mais les autres bloquages se poursuivaient.
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Aux cris de «On est plus chaud que le climat» ou «Totalement irresponsable», quelques dizaines de défenseurs du climat, se joignant à la «semaine de la rébellion» organisée en Europe, se sont assis à l’entrée de la tour du géant pétrolier Total pour en «perturber le fonctionnement». Des affiches à l’effigie d’Emmanuel Macron sont rapidement collées sur les vitres du bâtiment, mais aussi sur ceux de la Société générale, d’EDF et la tour Séquoia qui abrite une antenne du ministère de la Transition écologique, avec l’inscription «Macron président des pollueurs» et le même slogan tagué sur le sol, en jaune ou en noir. Autour du bâtiment est également installé un bandeau «Scène de crime climatique». Certains se sont même allongés sur le sol pour symboliser une scène de crime, les contours de leurs corps étant tracé à la craie. Le ton est donné. L’ambiance, elle, est bon enfant. La poignée de policiers présents se contente de regarder la scène, incrédules.
«Total, c’est symbolique. C’est la fabrique du changement climatique»
Pourquoi avoir ciblé ces quatre sites précisément? «Total, c’est symbolique. C’est la fabrique du changement climatique», nous a confié Clément Sénéchal, de Greenpeace. Cette entreprise figure parmi les «vingt plus grands pollueurs de la planète», renchérit Juliette Renaud, des Amis de la Terre. «EDF produit 70% de l’électricité via du nucléaire et la Société Générale finance massivement les entreprises polluantes», renchérit-elle. «Quant au ministère de la Transition écologique, il est quand même étrange qu’il se situe au cœur de La Défense, entouré des entreprises les plus polluantes de la planète», tonne-t-elle au moment où des activistes pénètrent dans la tour Total.
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Cette action se veut totalement non-violente, et les militants présents ont suivi des formations à la désobéissance civile ces dernières semaines. «Le sérieux est du côté des activistes», ajoute Clément Sénéchal, avant de brandir un des portraits du président décroché dans des mairies ces derniers mois à l’initiative d’ANV-COP21. «On a sorti le portrait ici pour dénoncer la politique de Macron et pour montrer que la politique de la France se fait ici et pas au ministère», a lancé devant la foule Cécile Marchand, des Amis de la Terre. Du côté des salariés de Total, qui attendent désespérément en bas de la tour, les positions divergent. «On aimerait bien pouvoir travailler. Total ne changera pas comme ça», témoigne Fanny. «Je suis fils d’agriculteur et je soutiens cette action, affirme de son côté Jean-Marc, géologue du groupe pétrolier. C’est bien de temps en temps de réveiller les consciences. Avant d’être salarié de Total, je suis un citoyen comme tout le monde».
«La plus grosse action»
Une vitre de la tour Société générale a été brisée et les forces de l’ordre ont brièvement utilisé des bombes lacrymogènes pour prendre position à l’intérieur du bâtiment en fin de matinée. «CRS, doucement, on fait ça pour nos enfants», scandaient de leur côté une trentaine de militants assis en rang d’oignon, les bras en l’air, devant la tour Sequoia. «Aux quelques militants radicaux qui ciblent le président et le gouvernement, vous vous trompez d’ennemis! a réagi le ministre de la Transition écologique François de Rugy sur Twitter. Nous agissons». De son côté, PDG de Total Patrick Pouyanné a indiqué poursuivre une stratégie pour limiter le changement climatique mais ce n’est «pas si facile». «Beaucoup de gens manifestent aujourd’hui encore à Paris sur ces défis, demandant que plus soit fait» contre le changement climatique, a-t-il dit dans un discours lors d’un sommet pétrolier à Paris.
Greenpeace, les Amis et de la Terre ou ANV-COP21 sont habitués des opérations médiatiques pour faire passer leur message, mais généralement organisées en petits groupes avec leurs propres militants. «C’est la plus grosse action que l’on ait organisée, a souligné Pauline Boyer, porte-parole d’ANV-COP21. Là, il y a beaucoup de gens qui se sont inscrits et n’ont jamais fait de désobéissance civile car c’est maintenant qu’il faut agir et désobéir à des lois pour dénoncer cette alliance toxique entre les multinationales qui verrouillent la transition énergétique».
L’opération avait été préparée dans le plus grand mystère. Avec des critères stricts à respecter pour des participants prêts à se faire arrêter: visage «toujours» à découvert, «aucune agression physique, verbale ou psychologique tolérée», et «aucune» dégradation de biens. L’opération devrait durer toute la journée, et différents scénarios sont prévus pour se replier en cas d’offensive policière. Cette action s’inscrit dans le cadre de la «semaine de rébellion» lancée lundi par le tout jeune mouvement Extinction Rebellion dont les actions ont été particulièrement suivies à Londres où les militants ont bloqué des lieux emblématiques comme Oxford Circus. Près de 500 d’entre eux ont été arrêtés depuis le début de la semaine.